Mandat

THÉÂTRALITÉ, PERFORMATIVITÉ ET EFFETS DE PRÉSENCE

Les notions de théâtralité et de performativité constituent les deux grands paradigmes qui parcourent le champ artistique de ces trente dernières années. Ce site entend les cerner l’une et l’autre tout en montrant comment elles sont étroitement liées l’une à l’autre et mettent en jeu la présence.

Théâtralité

Notre interrogation part d’une observation et d’une question. Le concept de « théâtralité » apparaît dans de nombreuses disciplines, fort différentes – théâtre, anthropologie, sociologie, psychologie, gestion, économie, politique, psychanalyse (pour n’en nommer que quelques-unes) –, où le terme est employé soit de façon métaphorique, soit comme outil analytique. Un examen plus approfondi révèle que la notion est employée de diverses façons souvent divergentes, et parfois même contradictoires. De plus, lorsqu’il est utilisé hors du domaine du théâtre, ce concept semble renvoyer à des caractéristiques familières, comme si ce qu’il signifie est, en quelque sorte, implicitement connu par ceux qui l’emploient. Mais à quoi le concept renvoie-t-il exactement ? À quel type de forme spectaculaire est-il lié ? Voilà les questions préliminaires que nous nous sommes posées. Notre premier objectif est donc de clarifier le concept tout en examinant sa pertinence aujourd’hui.

Abordant des sujets qui vont de l’histoire du théâtre aux études culturelles, des arts visuels au multimédia, de la philosophie à la photographie, ce site cherche donc à rendre compte de la pertinence du concept de théâtralité tant dans le domaine du théâtre que dans celui des arts visuels et médiatiques. Il remonte aux sources de cette notion examinant son origine, son sens et ce qui en fait un concept équivoque, incompris, voire obsolète.

Performativité

Par ailleurs, la notion de performativité est un concept devenu fort courant en Amérique du Nord et s’applique tout autant aux formes théâtrales qui se sont affirmées depuis plus de 30 ans (théâtre performatif) qu’aux arts vivants en général (danse, performance, cirque), et aux médiatiques. Inspirée de la philosophie du langage (Austin, Searle) et diffusée grâce au développement des Performance Studies – dont Richard Schechner a été l’un des principaux artisans –, la notion de performativité permet de rendre compte de certains changements qui ont affecté la pratique artistique. Paraphrasant Ayers (1962) et Recanati (1979), on pourrait dire que des oeuvres sont performatives dans la mesure où elles cessent de « représenter » et où elles instaurent, à l’instar des énoncés performatifs, une « réalité nouvelle ». Cette notion suggère aussi l’idéal de virtuosité tel qu’il s’applique dans les arts d’interprétation et en sport, idéal souvent remis en question au cours de la même période. Enfin, cette notion qui accompagne l’émergence de nouvelles pratiques artistiques apparaît comme un nouveau paradigme esthétique qui reste encore à définir.

C’est en sollicitant ici des chercheurs de part et d’autre de l’Atlantique que nous avons voulu répondre à ces questions. Nous les avons invités à réfléchir sur les deux notions de théâtralité et de performativité, pour voir comment chacun les percevait à partir de ses propres références théoriques et de sa vision des pratiques artistiques. En élargissant le débat à des formes artistiques autres que le théâtre (multimédia, arts visuels, photographie, danse), nous avons cherché à comprendre comment ces deux concepts sont utilisés dans les pratiques scéniques et comment ils permettent de rendre compte des formes artistiques étudiées.

A l’origine de cette démarche, il y avait le sentiment confus que l’opposition entre les concepts de performativité et de théâtralité était peut être d’ordre purement rhétorique et qu’au fond, une fois débarrassés de la passion des débats, ces deux concepts entrent nécessairement en interaction. Non seulement, il n’y a aucune contradiction entre ces deux concepts mais, au contraire, ils se complètent, et nous permettent de mieux comprendre le phénomène de la représentation dans sa globalité.

La présence

La réflexion sur la théâtralité et la performativité a fait émerger une nouvelle problématique concernant le rôle désormais déterminant de la présence que ce soit celle des personnages virtuels ou celle des acteurs sur scène dans le cadre de nombreuses productions au théâtre, en danse, à l’opéra et dans des réalisations en arts médiatiques. Nous avons souhaité approfondir cette thématique pour investiguer les diverses formes d’interpénétration entre le virtuel et le réel et mesurer les effets de réel produits. C’est pourquoi il nous a semblé fondamental de placer au centre de notre recherche la notion de « présence », concept qu’abordent divers ouvrages théoriques que ce soit par le biais de la voix, de la prestance corporelle, du souffle ou du mouvement.

Qu’est-ce qui crée le sentiment de présence face à un dispositif technique? Une fois dépassé l’effet magique de l’apparition de l’image virtuelle qui méduse le public depuis les ombres chinoises, les projections des lanternes magiques, des orgues à couleur, quels rôles le personnage virtuel est-il appelé à jouer ? Et selon quels dispositifs, quelles interfaces, est-il appelé à renouveler la dynamique entre le jeu des acteurs, le rôle des spectateurs, les décors, l’espace de la scène ? Quelles caractéristiques, ce personnage virtuel partage-t-il avec les personnages incarnés par un acteur?

Retour haut de page